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L'ARTISTE


Je rêve d’une peinture dégagée de tout respect littéral de la nature, je voudrais reconstituer des paysages sur le seul recours de l’émotion qu’ils m’ont causée, quelques grandes lignes évocatrices, un ou deux détails choisis, sans superstition d’exactitude d’heure ou d’éclairage.

Félix Vallotton

Né à Lausanne (Suisse) en 1865, naturalisé français en 1900, Vallotton s’appuie sur cette double culture pour puiser son inspiration. Après une formation à l’Académie Julian, puis à l’École des Beaux-Arts de Paris, il tente de gagner sa vie en proposant des portraits. Cependant, c’est en reproduisant des scènes de la vie parisienne que Vallotton va développer un style qui lui est propre et qui évoluera peu par la suite. Peintre, mais aussi graveur, il est intéressant d’observer la différence de facture entre les deux techniques. Alors que les gravures sont constituées de grands aplats de noir et de blanc, ses tableaux sont extrêmement détaillés.

Vallotton

Self-Portrait, 1905.
Oil on cardboard, 82 x 64.5 cm.
Kunsthaus Zürich, Zurich


« L’œuvre gravée de Vallotton atteindra une telle originalité que les influences diverses qui s’y étaient fondues cesseront d’être perceptibles, créant un langage bien à lui qui ne ressemble plus à aucun autre. […] C’est dans la gravure que se manifestèrent le mieux les multiples facettes de son talent, que ce soit celui de portraitiste, dessinateur de la vie quotidienne, de décorateur, de styliste accompli ».

L’artiste expose pour la première fois avec les Nabis au Salon des Indépendants en 1893, où il fait sensation avec Le Bain au soir d’été. Sa peinture évolue vers des scènes stylisées qui se rapprochent de ses gravures, pratique dont il se détourne à partir de 1900. La même année, il épouse Gabrielle Rodrigues-Henriques, fille et sœur des galeristes Bernheim. Au-delà d’un confort bourgeois, ce mariage lui offre un appui solide sur le marché de l’art.
Après les scènes de la vie parisienne, Vallotton va peindre des paysages et des nus. Certains tableaux, tels que Homme et femme, L’Enlèvement d’Europe ou encore Persée tuant le dragon, révèlent une grande violence, notamment par l’exposition des corps à la lumière crue.

Vallotton

L'Enlèvement d'Europe,1908
Huile sur toile, 130 x 162 cm.
Kunstmuseum, Berne.

« Les femmes de Vallotton ont une coiffure moderne et une certaine gaucherie dans le maintien même si elles s’appellent Angélique ou Andromède. La femme paniquée qui tente de se maintenir sur le dos glissant d’un taureau est une jeune blonde dont la grâce est fort éloignée des canons classiques. »

Cette violence se retrouve dans les toiles qu’il réalise durant la Première Guerre mondiale, période pendant laquelle il cherche à retranscrire les émotions et sentiments que ces événements lui inspirent.

« ll [Vallotton] peint plusieurs panneaux décoratifs et expose en 1919 un grand triptyque. Le Deuil, le Crime, l’Espérance. Ces tentatives étaient pourtant dès le départ vouées à l’échec, car il était encore trop tôt pour chercher à traduire toute la complexité de la guerre dans un langage monumental. »

Durant les dernières années de sa vie, il se replie complètement sur lui-même. « ll reste la peinture, heureusement » sont les derniers mots de son journal. Il peignit encore plus de deux cents toiles ; des paysages de Lausanne, des vues alpestres du Val de Loire, de Dordogne, mais aussi d’Honfleur en Normandie. Félix Vallotton peint ce qu’il nomme des « paysages historiques », qu’il réalise parfois en puisant dans ses souvenirs.

Entre réalisme et stylisation simplifiée, critique amère de la société de son temps, Félix Vallotton est avant tout un travailleur acharné. À sa mort en décembre 1925, il laisse derrière lui plus de 1700 toiles et 200 gravures.

LE CHOIX DE VOTRE ÉDITEUR


Pourquoi s’intéresser à Vallotton aujourd’hui ? Plutôt qu’être le « Nabi étranger », il aurait pu être « Le peintre qui aimait les femmes ». Protestant et suisse, Vallotton était connu pour sa timidité et sa froideur. Néanmoins, ses amis les plus proches diront de lui que sous la froideur et les secrets se trouvait un homme passionné, sensuel et séducteur. Le trait de Vallotton ne cherche pas à idéaliser ou imiter des nus selon des codes prédéfinis. Les femmes de Vallotton ne sont pas cabossées comme elles l’étaient à la même époque par Picasso avec Les Demoiselles d’Avignon. Résolument modernes par la touche, par leur position et par leur corps les femmes de Vallotton prennent vie sous le pinceau du peintre. Elles n’ont pas la pudeur d’une Vénus de Botticelli, mais n’adoptent pas de positions lascives comme celles de Schiele. Toujours dans un style lisse et froid, Vallotton parvient, là où d’autres ont échoué, à rendre ces femmes belles, mélancoliques et sensuelles.


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